La Fed prise à son propre piège monétaire
La Réserve fédérale américaine affiche un chiffre préoccupant : 1 060 milliards de dollars de pertes non réalisées sur son portefeuille obligataire, selon les dernières données de la Fed de New York. Ce déséquilibre comptable massif s’explique par la remontée des taux d’intérêt engagée pour freiner l’inflation.
Depuis deux ans, la banque centrale mène une politique de resserrement agressif. Résultat : les obligations anciennes à taux bas perdent de leur valeur sur le marché. Les pertes s’accumulent, bien que non encore réalisées.
Des chiffres qui s’aggravent d’année en année
Le portefeuille SOMA, utilisé pour piloter la politique monétaire, est au cœur du problème. Voici l’évolution des pertes latentes :
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2022 : 1 080 milliards de dollars
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2023 : 948,4 milliards
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2024 (estimation) : 1 060 milliards
À titre de comparaison, le même portefeuille affichait des gains de 354 milliards en 2020 et 127,9 milliards en 2021.
Pas d’impact immédiat, selon la Fed
La Fed affirme que ces pertes ne comptent pas tant que les obligations ne sont pas revendues. Elles n’affectent donc pas, officiellement, ses revenus nets ou les transferts au Trésor américain.
Dans son rapport, la Fed de New York précise que « la position de gains ou pertes non réalisés n’a aucun effet sur le revenu net ou les remises au Trésor, sauf en cas de cession effective des actifs ».
En clair : tant que les titres restent dans les livres, la perte est théorique. Mais elle existe.
Une stratégie qui interroge
Ce déséquilibre massif soulève une vraie question : jusqu’à quand une banque centrale peut-elle encaisser des pertes de cette ampleur sans impact concret ?
Même si la Fed insiste sur la neutralité de ces pertes dans la conduite de sa politique, leur existence alimente un doute sur la durabilité du modèle. À force de maintenir des taux élevés pour lutter contre l’inflation, l’institution fragilise son propre bilan.
Un signal à ne pas sous-estimer
Pour les marchés comme pour les observateurs, ce chiffre dépasse la simple comptabilité. Il reflète le coût réel – et encore partiellement invisible – des choix de politique monétaire des dernières années.
La question n’est donc pas si la Fed va réagir, mais quand ces pertes finiront par avoir un effet politique ou économique. Car dans un contexte mondial tendu, la confiance dans les banques centrales reste un pilier fragile.