Nous avons déjà parlé ici de la directive européenne permettant la ponction des comptes bancaires, connue sous l’acronyme BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive). Désormais, lorsqu’une banque en Europe fera faillite, les actionnaires épongeront les pertes (rien de plus normal), ensuite les détenteurs des obligations émises par la banque (normal également) et, si cela ne suffit pas, la banque pourra puiser directement dans les comptes de ses clients (un scandale, une remise en cause du droit de propriété, un vol légal).
Cette directive prévoit cependant de ne pas puiser dans les comptes de moins de 100.000 euros, soit l’immense majorité des cas. Chacun peut se croire à l’abri, même si cette garantie s’avère largement illusoire, car il faudra bien aller chercher l’argent quelque part ! Chypre, lors de sa crise bancaire d’avril 2013, et qui avait « testé » le premier ce type de renflouement (le bail-in), n’avait effectivement pas touché aux comptes de moins de 100.000 euros, mais le pays avait bénéficié de 10 milliards d’euros d’aide de l’UE et du FMI, ce qui correspond aux deux tiers de son PIB. Qui pourrait verser une somme équivalente à un grand pays comme l’Espagne, l’Italie ou la France s’il connaissait une crise comparable ?
Malgré tout, pour protéger ces dépôts de moins de 100.000 euros, la Commission européenne avait proposé la création d’une « garantie des dépôts européenne », dans l’objectif d’éviter les « bank run », les retraits massifs et les fuites de capitaux comme on a pu le voir en Grèce. Ce fonds de garantie devait être doté de 55 milliards d’euros et d’une capacité à emprunter sur les marchés, de quoi voir venir, tout de même.
Manque de chance pour les déposants européens, l’Allemagne s’y est fermement opposée lors de la réunion de l’Eurogroupe et de l’Ecofin le week-end dernier au Luxembourg. Berlin souhaite d’abord que la directive BRRD soit mise en œuvre dans tous les pays européens, et Wolfgang Schäuble a fait remarquer que la France et l’Italie ne l’avaient toujours pas transposée dans leurs droits nationaux… Les pays européens doivent d’abord mettre en place des procédures de faillite souveraine avant de parler de mutualisation, voici la conclusion de ce sommet.
L’intransigeance allemande a certainement du bon pour les Etats, qui se retrouvent face à leurs responsabilités, mais elle est franchement inquiétante pour les épargnants européens. Les choses sont claires : la protection des 100.000 euros vient officiellement de se volatiliser. Elle ne pesait déjà pas bien lourd, elle ne vaut désormais plus rien.
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