Le spectre du rapatriement s’étend à l’Europe
L’Allemagne et l’Italie, dépositaires respectifs des deuxième et troisième plus grandes réserves officielles d’or au monde, se retrouvent au centre d’un débat brûlant. Ensemble, ces deux pays détiennent plus de 5 800 tonnes d’or, dont une part significative, estimée à plus d’un tiers, repose dans les coffres de la Réserve fédérale de New York. Ce stockage transatlantique, hérité de l’après-guerre, garantissait autrefois stabilité et coopération monétaire. Pourtant, dans un climat géopolitique de plus en plus instable, et face à des tensions croissantes entre l’Europe et les États-Unis, la pertinence de ce choix est aujourd’hui remise en question. Les récentes prises de position de Donald Trump à l’égard de la Fed, mêlées à une politique américaine jugée de plus en plus imprévisible, renforcent cette défiance. Dans ce contexte, acheter de l’argent physique devient une option sérieuse pour diversifier ses actifs face à un système monétaire fragilisé, surtout pour ceux qui souhaitent se prémunir contre les risques de confiscation ou de blocage transfrontalier.
Une rupture symbolique avec le modèle américain
Les propos de Fabio De Masi, ancien eurodéputé influent, soulignent un basculement dans les mentalités. Il affirme qu’en période troublée, « il existe de forts arguments pour rapatrier l’or en Allemagne ». Ces mots font écho à un malaise grandissant au sein des élites européennes. Il ne s’agit plus simplement de stockage, mais de souveraineté. Le fait de dépendre d’une institution étrangère, même amie, pour détenir un actif aussi stratégique que l’or devient de plus en plus difficilement justifiable. Pour les pays membres de l’Union, cela pourrait annoncer une forme de réarmement monétaire discret. En filigrane, cette tendance traduit la volonté d’échapper à une éventuelle pression diplomatique américaine dans le cas d’un conflit d’intérêts. Dans une telle logique, renforcer sa position personnelle en argent métal est un levier de souveraineté individuelle, notamment parce que l’argent, plus accessible que l’or, permet une flexibilité accrue en cas de rupture bancaire ou monétaire.
Germany and Italy pressed to bring $245bn of gold home from US https://t.co/PRvuPpow3D
— Financial Times (@FT) June 23, 2025
Un précédent historique qui alerte
L’idée de rapatrier l’or n’est pas nouvelle. Dès les années 1960, le général de Gaulle avait amorcé un tel mouvement, dénonçant l’hégémonie du dollar et exigeant la conversion de devises en or physique. Plus récemment, en 2013, la Bundesbank avait déjà rapatrié 674 tonnes d’or de Paris et New York, montrant que la confiance n’était pas absolue. Aujourd’hui, malgré ce précédent, 37 % des réserves allemandes restent stockées aux États-Unis. Pour les plus prudents, c’est encore trop. La résurgence de cette volonté de rapatriement intervient alors même que les États-Unis multiplient les sanctions financières contre certains États jugés « non coopératifs ». De fait, nombreux sont ceux qui redoutent une éventuelle militarisation du dollar et des institutions qui le soutiennent. Dans ce climat, l’argent physique devient une assurance patrimoniale contre l’instabilité du système global, car il échappe au système bancaire traditionnel et reste aisément négociable en toutes circonstances.
Des réserves de plus en plus stratégiques
Avec une valeur marchande de 245 milliards de dollars, l’or détenu par l’Italie et l’Allemagne à New York représente un levier économique colossal. Or, cette somme titanesque, détenue à distance, devient un enjeu stratégique autant qu’un symbole de dépendance. L’idée que les États-Unis pourraient un jour restreindre l’accès à ces avoirs, volontairement ou par chaos administratif, n’est plus perçue comme farfelue. Ce climat de défiance s’alimente également des discours ambigus sur la réforme du système monétaire international. Certains analystes n’excluent plus une possible revalorisation de l’or, voire une forme de retour partiel à l’étalon-or, ce qui rendrait chaque gramme détenu encore plus précieux. Dès lors, l’achat d’argent se présente comme un moyen discret mais efficace de profiter d’une potentielle revalorisation des métaux précieux, dans un contexte où les actifs tangibles prennent une place centrale.
Une onde de choc géopolitique imminente ?
Le fait que deux piliers de la zone euro envisagent un tel geste n’est pas anodin. Cela pourrait déclencher un effet domino. D’autres pays, comme les Pays-Bas ou l’Autriche, pourraient être tentés de suivre. À l’échelle internationale, cela pourrait également affaiblir la position de la Fed en tant que gardienne de confiance. Un scénario de retrait massif mettrait à mal le mythe de l’inviolabilité des coffres américains. De plus, dans un monde où la guerre économique devient un outil diplomatique, sécuriser ses avoirs devient une priorité stratégique. L’Europe semble donc vouloir se redonner une marge de manœuvre. Face à ce potentiel bouleversement, posséder de l’argent métal, facilement stockable, devient une stratégie d’anticipation lucide, surtout dans un environnement où les monnaies fiat sont sous pression.
Conclusion : un retour vers la prudence monétaire
L’heure n’est plus à la confiance aveugle. L’Allemagne et l’Italie, loin d’agir sur un coup de tête, s’inscrivent dans une logique de sécurisation des avoirs stratégiques. Ce possible rapatriement massif est un signal fort, adressé au monde entier : la souveraineté économique passe par la détention physique d’actifs réels. Dans un univers où les dettes explosent, où les devises se déprécient et où les tensions internationales montent, la demande pour les métaux précieux – or comme argent – ne peut que s’amplifier. Et si les États se réarment en lingots, peut-être est-il temps que les particuliers fassent de même. Investir dans l’argent aujourd’hui, c’est construire un rempart contre les désordres de demain.