Gaël Giraud: « Si on a une nouvelle crise de même ampleur que celle de 2008, une majorité des grands groupes bancaires européens fait faillite ! »

Gaël Giraud: « Vous avez un certain nombre de banques européennes qui ont beaucoup trop de NPL, les « Non-Performing Loans », ce qui est un euphémisme pour parler d’actifs pourris dont elles ne se sont pas débarrassées depuis 2008. Même le FMI qui est extrêmement bonne fille sur ces sujets là, a tiré plusieurs fois sur la sonnette d’alarme en disant qu’il y a beaucoup trop de NPL dans les banques européennes et que tout ça est très grave et très dangereux. Le FMI a son propre chiffrage de 300 milliards, bon c’est un chiffre parmi d’autres… Mais peut-être que vous vous souvenez qu’à la Noël 2016, Monte dei Paschi di Siena a fait faillite. C’était la plus ancienne banque du monde qui avait été créée au 14^ème siècle, 3^ème banque d’Italie et rien ne s’était passé à la Noël 2016, simplement Monte dei Paschi agonisait depuis 2008, et était tenue par assistance respiratoire par la BCE à bout de bras… et 2016 Draghi a lâché car il n’en pouvait plus. Donc la Monte dei Paschi a fait faillite. La Monte dei Paschi n’est pas du tout la seule à être dans une situation proche de la catastrophe. Y a pas mal de Cajas en Espagne qui vont très très mal, et qui sont tenues à bout de bras par le gouvernement espagnol. C’est ce qui vous explique la croissance de la dette espagnole. Et ce n’est pas du tout que l’Espagne jetterait de l’argent par la fenêtre ou embaucherait des fonctionnaires espagnols par millions, c’est juste que chaque mois il faut réabonder les Cajas espagnoles qui sont toutes ou une bonne partie d’entre elles, pas très très loin de la faillite.

Ce n’est pas impossible du tout qu’une partie des landersbanks allemandes soient dans des situations assez critiques, raison pour laquelle l’Allemagne qui a un rôle très très spécial dans la gouvernance de la BCE a obtenu que la BCE n’ait pas le droit de regarder ce qui se passe dans les landersbanks allemandes alors que la BCE a un droit de supervision sur toutes les autres banques de la zone euro. Donc voilà, on peut avoir une faillite d’un grand groupe demain matin, c’est possible et dans le contexte actuel, ce serait grave pour 2 raisons: La première c’est que nous ne sommes pas protégés en europe. L’union bancaire dont le processus de mise en place a commencé en 2009 est supposé protéger le citoyen européen contre une prochaine crise bancaire avec le slogan « plus jamais le contribuable européen ne paiera pour sauver une banque », eh bien l’union bancaire européenne ne nous protège pas. Donc, j’ai fait un rapport pour le parlement européen en 2015 que j’ai rendu à klaus welle au parlement qui montre que si on a une nouvelle crise de même ampleur que celle de 2008, une majorité des grands groupes bancaires européens fait faillite ! Et l’union bancaire est incapable de sauver ces groupes là. Et d’ailleurs, pour la Monte dei Paschi, une banque toute seule à Noël 2016, l’union bancaire européenne n’a pas dépensé 1 centime d’euro pour la sauver. Donc elle n’est pas capable de venir au secours de la Monte dei Paschi, ce qui veut dire que c’est l’état italien qui a repris à sa charge toute la dette privée de la Monte dei Paschi, et donc c’est le contribuable italien qui paiera la totalité de la dette de la Monte dei Paschi. Et donc si pour la Monte dei Paschi l’union européen ne fonctionne pas, si un groupe comme BNP demain matin devait faire faillite… la BNP c’est quasiment la taille du Pib français en taille de bilan, l’union bancaire ne fera rien. L’union bancaire se réduit à un fonds de résolution qui est en fait un fonds de secours de banques en détresse, qui est abondé par les banques elles-mêmes et qui atteindra la taille héroïque de 55 milliards en 2023. Donc d’abord c’est 2023 alors qu’on peut avoir une crise demain matin, et c’est 55 milliards alors que le bilan de BNP c’est 1900 milliards, pas loin de 2000 milliards. Donc avec 55 milliards, c’est un gobelet d’eau tiède pour éteindre les cendres de l’incendie, pas plus.

Charles Gave: 70% des banques européennes en état de quasi faillite Jean-Pierre Chevallier: “Les banques françaises sont en très mauvaise situation, elles risquent de tomber en faillite !!”

Gaël Giraud poursuit: Eh puis deuxième raison pour laquelle c’est grave si on a une grande banque qui fait faillite aujourd’hui, c’est que la commission européenne a eu la très très mauvaise idée il y quelques années de voter la directive EMIR(European market and infrastructure) qui est une directive qui met en concurrence les chambres de compensation dans le monde connecté à l’Europe. Les chambres de compensation ce sont les organismes qui centralisent les transactions financières internationales.. Donc admettons que vous ayez une transaction à faire avec les Etats-Unis, votre banque va rentrer en contact avec la banque récipiendaire au sujet de votre transaction, en fait, elles ne vont pas communiquer directement entre elles sauf si vous faites ce qu’on appelle du gré à gré mais vous et moi ne sommes pas en position pour faire du gré à gré et donc elle va passer par une chambre de compensation qu’on appelle clearing house en anglais qui va centraliser l’information et garantir que la transaction se passera correctement. Les chambres de compensation sont destinées à ce que tout se passe bien.[…] Si jamais la transaction n’avait pas lieu normalement, la chambre de compensation se porte en partie garante de la transaction auprès de la victime.[…] Pour réussir à faire ça, la chambre de compensation prélève sur toutes les transactions un pouillème du volume de la transaction et avec ce pouillème et les milliards de transactions qui s’effectuent chaque jour, elle constitue un coussin de sécurité dans lequel elles vont puiser le jour où il y a un sinistre. Donc en fait, c’est une activité d’assurance. Or la directive EMIR a dit comme l’alpha et l’oméga des relations humaines c’est la concurrence, on va mettre les chambres de compensation en concurrence les unes avec les autres. Et donc chaque banque va pouvoir choisir la chambre de compensation avec laquelle elle fait sa transaction. La conséquence de cette heureuse idée, c’est que les chambres de compensation ont toutes réduites le pouillème qu’elles prélevaient sur les transactions pour pouvoir dire à leurs clients, regardez moi je suis le moins cher. Mais du coup, elles ne constituent plus leur coussin de sécurité, du coup elles sont incapables de se porter garante en vérité d’un choc au cas où il y aurait des banques qui font faillite. Ce qui veut dire aujourd’hui que si on a une grosse banque qui fait faillite, on peut avoir des chambres de compensation qui font elles-mêmes faillite et si une chambre de compensation fait faillite, c’est toutes les transactions dont elle est responsable qui s’effondrent. Et donc les chambres de compensation fragilisées aujourd’hui, c’est une manière de transformer une petite bombinette en BOMBE H très vite… C’est à dire que vous démultipliez l’effet de la réaction nucléaire. Donc ça rend la chose beaucoup beaucoup plus dangereuse. »

Charles Gave: “Le système bancaire italien est en faillite !” Charles Sannat: “Comment ça marche si ma banque fait faillite? Et bien ça marche pas !!!”

Source: devenirpouragir

Gaël Giraud, né en 1970, est un économiste français spécialisé en économie mathématique. Directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), Gaël Giraud est également co-directeur de la Chaire « Energie et prospérité » soutenue par l’Ecole normale supérieure (ENS), l’Ecole polytechnique et l’Ecole nationale supérieure d’administration économique (ENSAE), Professeur à l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées ParisTech, et chercheur associé à l’Institut des études avancées (IEA) de Nantes.

Économiste français, il est initialement spécialisé dans la théorie de l’équilibre général, la théorie des jeux et la finance. Ses travaux les plus récents portent sur les mesures alternatives du développement durable, la macroéconomie et les questions de financement de l’économie, de l’énergie et du climat. A partir d’enquêtes menées dans plusieurs pays (Nigeria, Indonésie, Inde…), il a notamment travaillé sur la construction d’un indice mesurant la qualité du lien social, considéré comme un indicateur de la qualité du développement.

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